L’origine du foulard routier

Bruno Luquat (Commissaire National Route 1984-1986), dans Topos de Route

« Depuis plusieurs mois quelques Chefs de Clans avaient suggéré l’idée d’un foulard spécifique à la Route SUF. Il est possible qu’elle ait été suggérée par la volonté de certains CC d’affirmer la particularité de la Route. Voire pour d’autres de se dégager d’une emprise du groupe parfois maladroite. Mais aussi, certains Clans recrutaient au-delà de leur groupe d’origine et se posait la question du choix de leur foulard.

Un CC proposait un foulard gris, héritier de la même démarche que la Route FSE : gris couleur de poussière, d’humilité etc. Un autre CC proposait le bleu, couleur de la Vierge Marie, ce CC étant très investi dans les foulards blancs à Lourdes. Chacun poussait son pion selon ses références amicales ou de service. Mais l’idée était la même, que les routiers partagent un symbole communautaire. La Route existe, montrons le.

L’idée même d’un foulard spécifique à la Route SUF rencontrait aussi une question très pratique. Puisque nous allions être quelques années encore à avoir des chemises grises au milieu des beiges, on noie le poisson avec un foulard commun à tous, qui sera « le » symbole unitaire dans la diversité de fait. Comme disent les hommes politiques, « l’unité dans la diversité ». C’est une façon de contourner un problème quand il se pose, et qu’on n’a pas vraiment prise pour le régler. On crée un autre problème, pour faire oublier le premier… Vous aurez appris aujourd’hui un des fondements de la négociation.

Les idées grises ou bleues ne nous emballaient pas. Le gris, on en est sorti avec les chemises, on ne va pas y retourner avec les foulards ! En plus, ce côté poussière et tu retourneras poussière est très humble peut-être, mais ne contribue pas à la joie routière. La Route n’est pas l’antichambre du Monastère, souvenez-vous des « écueils de la Route » qui vous ont fait rire ! Le bleu, pourquoi pas, mais c’est la couleur d’une Troupe, et pas très chic de lui voler son histoire. L’idée était d’avoir un foulard original, non utilisé ou utilisable par une unité ou un groupe scout.

Le CEP des Chefs de Clans de l’an dernier avait lieu dans l’Oisans, un camp de neige pendant la Semaine Sainte. Rouge seul, « couleur des routiers, du sang et de l’amour », c’était très évidemment très beau, très noble, claquant, mais avec un hic : c’est la couleur de la Troupe 1ère Saint Louis Paris, celle du Chanoine Cornette et de Paul Coze, l’une des plus anciennes de France. Un ancien de Saint Louis mit son véto amical et tout à fait justifié. Avec des morceaux de laine, nous fîmes des essais d’associations de couleurs. C’est ainsi qu’assez vite se joignirent le jaune, couleur des louveteaux, et le vert, couleur des scouts. Un clin d’oeil aux flots de départ Routier, et au Départ Routier lui-même. Toute la vie scoute réunie, avec, dominante, la couleur de la Route. On fit un prototype, sur fond de neige, c’était très tonique ! Nous sommes loin de l’humilité de la grise poussière et du bleu des Enfants de Marie. Le résultat, quelque chose de fort en symbole, mais aussi de joyeux et pas anonyme du tout.

Ainsi est close l’affaire redoutable des chemises grises, qui nous a valu pas mal de noms d’oiseaux de certains chefs de groupe, de reproches outrés des proches de l’ancienne ENR, et de quelques encouragements de ceux qui connaissaient la totalité du problème, que vous connaissez maintenant aussi bien qu’eux. »